Le Président de la République a promulgué hier un décret portant convocation des électeurs à l’élection présidentielle pour le dimanche 6 octobre 2024. Saïed remet entre les mains des électeurs le pouvoir de décider qui devra conduire le pays pour les prochaines années. Mais ne nous voilons pas la face, les Tunisiens savent que les années à venir seront lourdes d’enjeux, mais aussi ouvertes à tous les possibles et que pour passer les trous d’air, il faut être au rendez-vous avec les urnes, faire preuve de plus de patriotisme pour barrer la route aux apprentis sorciers qui affûtent leurs armes pour arriver au pouvoir et faire machine arrière.
Dès la publication de ce décret au Journal officiel, l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) devra publier la décision réglementaire relative à l’élection présidentielle. Le calendrier électoral devrait aussi être défini et fixé par l’Isie en concertation avec la Présidence de la République, la Présidence du gouvernement et le Parlement. En effet, des petits enfants jusqu’aux plus grands, nos oreilles entendent depuis des mois une même musique dont seul le rythme diffère : est-ce qu’il y aura des élections?
Mais voilà que la promulgation de ce décret met fin à la polémique qui enfle depuis des mois quant à l’incertitude de tenir les élections conformément aux échéances constitutionnelles. En effet, dans leur course effrénée au pouvoir, des candidats avant l’heure ont laissé libre cours aux supputations, aux interprétations et à la cupidité illimitée des oligarchies politico-financières prédatrices quant à la tenue de ces élections cette année.
C’est dans un contexte de relative torpeur que cette annonce vient refroidir une fièvre qui s’est emparée ces derniers mois du débat public dans notre pays.
Mais aussi c’est un contexte de relative torpeur que candidats et partis se regardent en chiens de faïence, ne sachant plus à quel saint se vouer pour aborder la nouvelle échéance électorale avec assurance et courage.
Encore une fois, Saïed prouve au peuple qu’il est un homme de parole et d’honneur. En effet, il a maintes fois souligné qu’il respecterait toutes les échéances électorales. Maintenant, il apporte la preuve qu’il a honoré le serment qu’il a prêté le jour de son investiture, contrairement à d’autres hommes politiques qui n’ont fait que rouler les Tunisiens dans la farine. Mais ne nous voilons pas la face, les Tunisiens savent que les années à venir seront lourdes d’enjeux, mais aussi ouvertes à tous les possibles et que pour passer les trous d’air, il faut être au rendez-vous avec les urnes, faire preuve de plus de patriotisme pour barrer la route aux apprentis-sorciers qui affûtent leurs armes pour arriver au pouvoir et faire machine arrière.
Dommages collatéraux ?
Car la Tunisie est en pleine ébullition. Le pays est engagé dans un projet de transformation et de libération. Transformation d’un modèle basé sur la rente économique qui n’a profité pendant plus de soixante-dix ans qu’à quelques familles notoires, aux lobbies et aux contrebandiers et qui a creusé le lit des disparités sociales. Libération de la mainmise des puissances étrangères et de leurs bras financiers. Comme dans toute guerre, il y a une résistance au changement, il y a confrontation et il y aussi des dommages collatéraux. Pendant plus de dix ans, le démembrement de l’Etat a conduit à une perte de pouvoir qui a profité non seulement à une montée en puissance des corps de métiers mais a aussi lâché la bride à des revendications à outrance dans tous les secteurs. Or face à un Etat faible et dépossédé de ses pouvoirs, les gouvernements successifs depuis 2011 ont joué la carte de l’apaisement au nom du consensus. C’est ainsi qu’anges et diables ont barboté dans un bol de miel, laissant sur le bord de la route la classe moyenne, qui était le ciment de la cohésion, péricliter et tomber dans la misère, sans parler de ceux dont la souffrance n’a fait que s’accentuer. Pour renverser la vapeur et remettre à flot un pays aux caisses vides, il fallait imaginer un nouveau système plus juste, plus équitable et plus inclusif. Mais chaque dossier ouvert est un champ de mines : l’assainissement de l’administration, la lutte contre la corruption, la restauration du prestige de l’Etat, le combat contre l’ingérence étrangère, le traitement d’égal à égal, la réconciliation pénale, la révision de l’arsenal juridique pour le moderniser et l’adapter aux spécificités actuelles, l’établissement de la vérité sur les assassinats politiques, l’envoi des jeunes au jihad, la lutte contre les stupéfiants, etc.
N’oublions pas que Kaïs Saïed a été élu par trois millions de Tunisiens pour mettre en œuvre un nouveau projet sociétal pour le pays. C’est un nouveau système en rupture avec les anciennes pratiques et qui vient bouleverser le paysage politique et économique. Il est tout à fait normal que pour protéger leurs intérêts, des forces jadis disparates se rejoignent et se serrent les coudes, quitte à défier l’Etat et ses structures. Mais de là à essayer de faire imploser l’Etat de l’intérieur, à miner la société par les drogues, à casser la chaîne de l’approvisionnement en produits alimentaires, en médicaments pour faire monter la grogne au sein des couches sociales vulnérables, cela devient une question de sécurité nationale qui exige une reddition des comptes.
Certes, dans cette atmosphère de pugilat, il est difficile d’entendre la voix de la raison. Une fois l’orage passé, il faudra placer l’intérêt du pays au-dessus de tous les calculs étriqués. Mais maintenant que la course à l’échalote est lancée, n’oublions pas que nous vivons sous le même toit qui lorsqu’il s’effondre, personne n’en sortira indemne.